Bonjour,
J'ai 27 ans et je poste ce message afin d'obtenir des conseils et éclaircissements au sujet de ma situation, et éventuellement des pistes de lectures pour comprendre le/les problèmes que j'expose ici. Il me semble que le mot "maltraitance" est adapté à ma situation, du moins il s'agit de maltraitance psychologique de la part de ma mère durant mon enfance et mon adolescence, maltraitance dont j'ai pris conscience récemment. Mais je ne parviens pas exactement à poser des mots, une analyse, des concepts pour cerner cette situation. Ma mère a été extrêmement toxique pour mes soeurs et moi : elle nous a souvent rabaissé et humilié en public, comparé à d'autres petites filles ou adolescentes de nos âges dans notre entourage proche qui étaient selon elle plus "jolies", plus épanouies, plus "cool" ; elle a aussi longtemps cherché à contrôler tous les aspects de nos vies, agissant comme si nous lui "appartenions". On a également pris beaucoup de raclés sans raisons valables, parfois très violentes et humiliantes, que ce soit avec la main, le chausson, le martinet, ou encore la fourchette à table...elle a notamment été extrêmement susceptible pendant plusieurs années, et menaçait de nous frapper à la moindre broutille, notamment dès qu'on tentait de discuter une de ses décisions. Elle n'a par ailleurs jamais respecté notre intimité, fouillant dans nos chambres régulièrement en notre absence, et rapportant des faits gênants ou intimes à notre sujet à qui voulait les entendre, notamment la famille et ses amis. Elle s'est également énormément plaint de nous auprès d'eux, répétant que nous étions ingrates avec elle qui se sacrifiait pour nous élever, insupportables, mauvaises, et ce très tôt (je devais avoir 9 ou 10 quand je m'en suis rendu compte).
Parallèlement à ça, la vie sur le plan matériel était catastrophique : des conditions de vie très limites (un logement très peu meublé, pas de bureau sur lequel faire mes devoirs, le sommier de mon lit a été cassé pendant plusieurs années, ce qui m'a occasionné d'importants problèmes de dos), un suivi quasi nul sur le plan de la santé (arrêt du pédiatre très tôt, une scoliose non soignée malgré les nombreuses demandes du médecin scolaire à l'époque, une dentition catastrophique qui me cause pas mal de complexes et de frais aujourd'hui... heureusement qu'il y avait les visites médicales obligatoires à l'école, au moins pour les vaccins !), jamais de vacances (mais il faut dire qu'on avait peu d'argent) et surtout jamais d'activités extra-scolaires, que ce soit sportives, artistiques ou ludiques. Ma mère restait sur son canapé devant la télé soirs et week-ends, pendant que nous jouions ou lisions dans nos chambres (on avait rarement le droit d'aller dans le salon, et on évitait de toute façon car elle était insupportable). Pas de balades, de visites, de découvertes, rien. Elle a d'ailleurs coupé les ponts avec les gens pendant plusieurs années, nous coupant également de notre ancienne vie sociale (famille de mon père, amis et connaissances de notre ancienne ville...). Et je n'ai jamais eu un centime d'argent de poche ; j'ai énormément galéré durant mes années de lycée pour obtenir le minimum vital : fournitures scolaires, livres, places de cinéma et de théâtre pour les sorties scolaires obligatoires, vêtements... jusqu'aux sous-vêtements, ou abonnements de bus pour me rendre en cours... Par exemple, je n'ai eu aucune nouvelle paire de chaussures entre mes 15 et 18 ans, et ai porté des chaussures trop petites durant toute mon année de 5ème. Elle piquait parfois des crises d'hystérie quand je demandais un livre de poche pour les cours (pour le bac !) ou 1 euro pour prendre le bus. Entre 15 et 18 ans, j'ai renouvelé mes pulls et pantalons grâce à l'argent que m'offraient mon père et mes tantes à noël, parfois même acheté les fournitures scolaires avec ça. Je n'avais pas vraiment de vêtements "adaptés" aux saisons : des profs me l'avaient fait remarquer à plusieurs reprises. Elle avait pourtant des aides sociales conséquentes pour nous : CAF pour 3 enfants, pension alimentaire de mon père (qu'elle a quitté quand j'avais 8 ans, en exigeant notre garde), et nous étions toutes trois boursières ; sans compter que nous vivions dans un HLM, donc, des réductions de loyer. Mais il me semble avec le recul que ces aides étaient rarement utilisées à bon escient. Etudiante, j'ai par ailleurs dû batailler avec elle pour qu'1/3 de la pension alimentaire de mon père me revienne, et que la bourse d'études de l'Etat soit versée sur mon compte bancaire : elle escomptait la recevoir sur son compte et ne me verser que "ce dont j'aurai besoin"...(autant dire que j'aurai galéré financièrement). Quand mes soeurs ont commencé à travailler en tant qu'apprenties, elle a instauré un prélèvement mensuel sur leurs comptes bancaires pour "les charges" (l'eau, le gaz, etc), qu'on gaspillait selon elle. On avait pas le droit de prendre une douche par jour parce que ça coûtait trop cher, elle par contre allait chez le coiffeur tous les mois pour se faire une permanente et une coloration à 100 euros ...
On a par ailleurs beaucoup déménagé, j'ai notamment fait 3 collèges différents, ce qui contribue peu à la stabilité d'un enfant à mon avis : un en 6e, un nouveau en 5e, puis un autre en 4e ; je me suis battu pour rester dans celui-ci en classe de 3e malgré un nouveau déménagement, et ai obtenu gain de cause. Mes soeurs par contre ont fait 4 écoles primaires différentes en 4 ans...
Elle fabule également beaucoup à notre sujet depuis notre enfance, décrétant un jour que mes soeurs étaient boulimiques, un autre qu'elles sont devenues anorexiques, ou qu'elles font une dépression...de mon côté, j'ai été dépressive à 13 ans, raciste à 8 (?), anorexique à 10 ; j'allais devenir aveugle à 14 ans car je ne portais plus assez mes lunettes. Une voyante lui a prédis que je fumerai à 15 ans et m’enfuirai de la maison avec un garçon dont je serai enceinte ; elle a mis du temps à en démordre et me reprochait déjà ces faits quand j'avais 8 ou 9 ans. Récemment, elle a décrété que j'avais "une maladie" car j'ai perdu quelques kilos. Elle n'a bien sûr jamais gardé ses "diagnostics" pour elle, en parlant à qui voulait les entendre...je l'entendais parfois, étant enfant et adolescente, quand elle en parlait aux gens au téléphone. Et c'était dur (et rabaissant) de supporter le regard des gens, qui semblaient la croire quand elles disait que je faisais une dépression par exemple. Des médecins lui ont par contre demandé assez sèchement de me laisser tranquille et expliqué que je n'avais rien (un psychiatre et un ophtalmo qu'elle m'avait emmené consulter, par exemple). Elle a par ailleurs empêché mes soeurs de choisir les formations qu'elles souhaitaient au lycée parce qu'elles n'avaient soi-disant "pas assez de caractère" pour ces métiers (restauration et dresseur de chiens) et a toujours contrôlé leurs choix de vie de très près. Elle a exigé leur redoublement en 3e année de maternelle auprès des maîtresses, qui évidemment ont refusé, parce qu'elles étaient soi-disant trop "immatures" pour entrer en CP selon elle...
En public, en famille, elle affichait un grand sourire affectueux et une voix mielleuse, se présentait comme une mère courage très soucieuse de la santé et de l'équilibre de ses enfants... elle a notamment eu le culot de dire qu'on avait de la chance, parce qu'elle ne nous avait jamais frappé. Je pense d'ailleurs que peu de gens (dans notre famille notamment) nous croiraient si on racontait tout ce qui précède. Mais une fois à la maison ou dans la voiture, une fois le téléphone raccroché, elle lâchait son sourire et recommençait à gueuler avec une voix de poissonnière et nous menacer de nous coller des baffes à tour de bras.
Je pourrais étaler encore des dizaines d'exemples pour illustrer tout ce que je viens de dire...
Aujourd'hui on manque cruellement de confiance en nous mes soeurs et moi, d'ailleurs ça a toujours été le cas. J'ai passé mes années d'adolescence prostrée, résignée, à attendre qu'elles passent et à croire que j'étais une moins que rien. Je réalise que j'ai toujours été incapable d'envisager l'avenir et ses différentes étapes (le brevet, le bac, le permis, les études, un travail...le couple, les enfants) parce que ça me terrorisait complètement, je me suis toujours dis que je ne serai pas capable de franchir ces étapes, de réussir, et me suis souvent retrouvée bloquée (je n'ai toujours pas osé passer le permis par exemple, convaincue que je n'y arriverai pas). Et je n'arrive pas à faire de choix (études et orientation, travail, hommes...). J'ai aussi le sentiment terrible d'avoir perdu mes années d'enfance et d'adolescence, d'avoir bien trop de choses à rattraper, à essayer, je suis un peu jalouse des autres qui semblent avoir profité de tellement de choses (sur le plan matériel, sur le plan de l'épanouissement aussi...). Et les questions concernant l'attachement affectif me posent pas mal de problèmes, j'ai toujours très peur que mon copain m'abandonne ou ne me respecte pas, que mon conjoint ou futur mari m'échange contre une femme "mieux que moi" ; je me sens en "insécurité" en permanence. J'ai d'ailleurs commencé à avoir des grosses crises d'angoisse dès le début de ma première relation amoureuse sérieuse, et au moment des partiels durant mes années d'études supérieures (mots de ventre, vomissements incontrôlables, insomnies...), qui ont nécessité la prise de médicaments (somnifères, anxiolytiques...) que j'ai réussi, en partie, à arrêter (j'ai toujours besoin d'un petit morceau de somnifère chaque soir cependant). Sur le plan amical, j'ai du mal à faire confiance aux gens, et je suis extrêmement affectée par le regard des autres et les critiques à mon encontre ; ça perturbe également mes relations professionnelles. J'ai toujours l'impression de ne pas être "normale", et j'ai des périodes durant lesquelles je ne supporte même pas qu'on me regarde... J'ai remarqué que ces traits de caractère étaient présents de façon décuplée chez une de mes petites soeurs, qui est notamment incapable de garder ses amies depuis le collège (elle finit toujours par les rejeter, convaincue qu'elles la négligent ou la critiquent), et pique des crises de colère ou d'angoisse régulièrement (quand elle rate un contrôle par exemple, ou qu'une amie ne peut pas la voir). Mon autre soeur est coincée chez ma mère, sans travail depuis 2 ou 3 ans, sans formation professionnelle (qu'elle a abandonné, car ça ne lui plaisait pas : c'était le choix de ma mère et non le sien...), persuadée d'être une moins que rien. Je ne suis même pas sûre qu'elle cherche vraiment un emploi...
Il me semble, j'en suis sûre, que tout ça vient de ce que nous avons subi durant notre enfance et adolescence. Et si les premières années d'études loin de la maison familiale, en autonomie financière grâce à une bourse, ont été un bonheur incroyable (je revivais totalement), aujourd'hui je me sens bloquée dans ma vie (les angoisses, la peur d'avancer) ; notamment, je me sens totalement incapable d'avoir des enfants ou même un seul, et de les élever. Je ne comprends même pas pourquoi des hommes restent avec moi et continuent à m'aimer, je finis forcément par les mépriser ou me dire qu'ils sont forcément pas normaux. Et en même temps je suis souvent bien incapable de les quitter, il me faut un temps fou pour me décider, parce que j'ai trop peur d'être seule, ça m'angoisse. Je n'ai jamais été capable d'être célibataire plus de 5 ou 6 jours depuis mes 17 ans, d'ailleurs. Mais j'ai rejeté un garçon dont j'étais folle amoureuse l'an dernier parce que j'avais peur de ne pas être assez bien pour lui et qu'il me délaisse...
J'aimerai savoir quels genres de spécialiste ou de thérapie pourrait m'aider par rapport à tout ça, ce que je pourrais faire pour avancer un peu mieux dans la vie ? Notamment, je suis rentrée quelques jours chez ma mère pour noël cette année (je n'y met pratiquement plus les pieds depuis mes 19 ans, peut-être une fois par an ou tous les 2 ans...), et j'ai vraiment pris conscience à ce moment là d'à quel point elle était folle et pouvait être la cause de nombre de mes problèmes (elle a décrété que j'étais "malade" parce que j'avais perdu du poids, dis des choses gênantes sur nous devant des membres de notre famille, a rabaissé une de mes soeurs de façon gênante devant mon conjoint, nous a fait dormir lui et moi dans un lit cassé avec un trou béant au milieu du sommier, et j'ai remarqué qu'elle contrôlait le compte en banque d'une de mes soeurs partie en formation en Belgique...). Depuis ce noël je suis totalement bloquée, je ressasse complètement : je me demande comment j'ai pu ne pas voir que tant de choses clochaient, l'ampleur du problème. Tous ces souvenirs me sont revenus. Je me demande comment j'ai pu les zapper ! Et j'ai réalisé avec quelques lectures que mon enfance coïncidait avec pas mal de caractéristiques associées aux enfants dits "négligés" (à la différence de la maltraitance). Je me demande, en outre, si il ne faudrait pas que je coupe totalement, radicalement les ponts (je n'ai pas répondu à ses appels ni donné de nouvelles depuis).
Toutes mes excuses pour ce pavé. J'espère que je pourrais obtenir quelques réponses intéressantes, notamment concernant des spécialistes, et des lectures sur ce type d'enfance et de problèmes. Merci à ceux qui auront eu le courage de me lire...
Discusison archivée